« Loin de tout sadisme ou voyeurisme, j'ai toujours aimé les situations où il apparaît vite qu'un homme n'a pas l'ombre d'une chance face à un autre homme. »
Pierre Mari
Il faut croire qu'enfin ma petite pierre a chausser des pieds-noirs. Je deviens la machine à traire au style des vacherons littéraires. Que Mariolle plaise aux cieux s'en vienne à mon déduit !
Par voie-de-fait grand-Dieu mon seul effort, j'ai entendu que Monsieur de Mari se plaisait à m'atteindre : « J'ai pour principe d'enlever tout commentaire mien qui suscite une ânerie asyntaxique et dysorthographique chez votre acolyte. » C'était pour moi ! Voici des mois entiers que la veuve Mari ; femmelle agraire et si nombreuse, me donnait par de petites phrases d'eunuque ses opinions qu'il pensait les meilleures. Il me parlait de mon orthographe, de mes fautes, de mes syntaxes et Dieu ; ses mépris jeune-fillette me donnait un Précis. C'était avec ces bonnes façons, ces manières de gentillets garçons que Mariolle le tamis me voulait un bon-mot. Etais-je alors à me damner les cors ; je songeais : « mes virgules sont des vierge de sang ! » Et les vouloir pétrir et chacune à la main de cette boulangerie Marielle, papetière et cisellière et tout ces labarums - je me disais : « Dieu si je suivais conseil un seul jour dans ma vie ! » Et je voyais ses mains, Mari, ses mains qu'à l'hiver on recouvrait de moufles. J'approchais ma tête au mieux, sur le papier vélin en sous les moufles à Mari : l'écriture parcellaire, les sobriquets de mots : la page blanche et trompe-l'oeil. Vraiment ! me disais-je, est-ce donc là ce grand sautoir, cette grande piscine de chlore qu'est donc le style du référent des écrivains-plumiers ? Est-ce donc cela, ce petit parcour, ces lettres d'or à maille fine ; ce plaqué, ce faux-en-écriture ?
Oui-da, pas moins que ces hygiènocrates et qui nettoierront à lampée les derjots de mes points. Ces Mari qui ne tiennent pas un compte du rythme de la phrase : ils s'en éloignent et se tiennent au levée - « serais-je choisi demain pour m'asseoir au fauteuil ». Ils ont le cran de ces puceaux bonnaires ; mais une fois ces messieurs perdus au dépucelage ; les sacrés feulent et tonnent : « me voici l'homme ». Lorsqu'il sera Mari et ses princes ; reconnu par le veuvage littéraire, la grande cervelle éteinte ; il aura beau savoir qu'elle fut morte il dira : « sur le dos d'un mort il faut parfois se tenir pour mieux renaître ».
Et Dieu qu'enfin l'habit vert lui ceignant comme saillie ; ses mots qui deviendront lauriers et sa rapière. Il se targuera Dieu sur l'homme pour que l'on sache qu'il détient le language. Il récurera les lits et les duvets ; messieurs les bougres à littérer ; vous faudra-t-il quitter vos gages ! Le verrez-vous alors, le concierge orthophoniste ; le vilain homme ; technicien des surfaces, valets de camphre ; à nettoyer de poudre aux yeux les latrines aux compères de phrasée.
« I am a poure dyuel, and my name ys Tytyvyllus ... I muste eche day ... brynge my master a thousande pokes full of faylynges, and of neglygences in syllables and wordes »
Mais je n'irais pas dans leur sotises ; je n'irais pas et c'est ma grâce, fleurir les jambes de maitre Capello. Qu'ils aillent se faire marbrer ces gens-là qui ont ce grand désir que ma langue soit démise ; ô le Français mes ouailles n'est pas mort comme vous l'êtes ; voudriez-vous mes diables qu'il mourrut en ce temps, que la faucheuse amie vous embrasse au caveau - vous n'emporterez rien que des rigidités, idiots, qui ne sont que l'usufruit et vos langages qui sont des mimes - vaille ! Je vais à la comparaison de ces textes et des miens :
Pierre Mari :
« Accablé aussi, d'en être à regretter les bonnes vieilles langues de bois de ma jeunesse-marxisme fossilisé et technocratie crispée des années post-gaullistes-comparées aux langues de polymère et de fibre plastique qu'on parle aujourd'hui. »
N'est-ce pas grandiose ? Je veux dire la syntaxe est de la perfection dont il m'accuse de manquer ; vrai, ne serait-ce point là de ces petit-défauts que nous avons tous avec l'élan de la phrase ? Vrai, ne serait-ce pas la chair de la ponctuation qui prends son air à la nature ? Ce petit écrivain qu'est Mari et qui n'entends pas j'en suis sûr ; que la ponctuation puisse être bien autre-chose que le seul procédé grammatique et qui ne saurait pas entendre un texte sans virgule ; non Dieu que je ne sois dans les vadrouilles expérimentales du siècle dernier - mais allons ! Soyons sereins car j'ai l'histoire en ma faveur ; la syntaxe de Rousseau ; celle de Proust - mes chers Mari qu'avez-vous dans la tête, vos syntaxes ne sont que des légendes pour ne pas savoir écrire ; pour rester à vos fêtes - à l'université du language, que nous soyons à boire la bonne levée d'un point mort ; d'une virgule qui n'a plus même sa fonction de signifier et donc au final ; si nous suivions votre prosopopée ; mes abencerages - vous définiriez mieux encore l'absence de ponctuation que ne le firent alors les Nouveaux. A faire d'une virgule une étoupe, et d'un point un grand peigne ; vous faites de la langue un outil tandis qu'elle dût être un corps nu.
Mais que ferais-je à ces marots qui n'entendent pas ces choses ? Il y a la musique et la partition. Si vous êtes un écrivain pour écrire des virgules, épargnez-vous le Français, il y a d'autres langues et même les mathématiques. Ces techniciens de surfaces ; allez-donc, mendiant de ma voiture ; nettoyer à votre loisir mon pare-brise, que c'est bien drôle je n'aurais pas de monnaie ! Voici mon texte que je compare à son meilleur :
Pierre Mari :
« Que je contemple les châteaux de la Loire ou le vignoble bourguignon, que je me plonge dans la rhétorique du Grand Siècle ou revive les heures historiques de la nation, je me sens français avec acharnement. C'est parce que ma chair est française - parce que je suis heureux et fier qu'elle le soit - que je peux accéder à ces sphères d'appartenance plus large que sont l'Europe et le monde. L'universel qui dédaigne ou regarde de haut l'incarnation nationale n'a jamais été à mes yeux, qu'une évanescence pour belles âmes. »
Le mien :
« Peut-être qu'une fois encore, le si piteux avenir nous jouera de ces tours de passes-passes, mais au moins, six fois après la palissade du tombeau nous aurons été heureux d'avoir soulever nos airs, et remonter nos âmes jusqu'aux parlements d'un pape infaillible, qui aura décider par ses angelots, et par ses saintetés d'arrière-cours, d'autant de ses cardinaux-communiants ; de nous désirer dans un destin et de nous voir sauvés enfin du sort et des litiges et de la mortalité, ou de nous perdre – mais nous n'aurons pas lâcher les hanses de la porte du Capitole, nous, dévoreurs de l'éternité, si nous mourrions, combien nos mâchoires prêtes à mordre les empans de l'Eden seraient autant de nos épitaphes échappées à l'oubli ! Et combien, Pape et sa cohortine de folles à queues retroussés , ouvrant ses maniques à la pluvalu migratoire ; combien tu auras de nos cadavres dans tes états ! Qui le soir venue en esprit mille-fois métamorphosés, viendront regarnir les murs siliconeux de ta chambrée par de la pierre une bonne fois reprise à l'angle de tout les angles.
Pape, tu nous singeras ou bien nous saurons te hanter ; nous prendrons toutes les alliances des peuples les plus déchues, deviendrons Gog et Magog. Et Rome une fois conquise aux musulmans ; nous sortirons des limbes aussi épris de toi que l'enfer qui serait ta promise, et nous te marierons à l'ange de tout les anges. »
Je laisserai à ce que les gens soient les juges. Mais il me faut rire encore un peu, une petite contradiction de ce cher Mari qui a le mépris si volubile qu'on le croirait comme de ces vieux-beaux ; qui s'inquiète beaucoup le très cher Côme ; de savoir qu'elle doit être la part qu'il donne à son mépris - il s'en gargarise comme étant le vin le plus fameux et pour ne pas qu'on le réprouve ; le cher ange qui se confesse un jour, s'absous le soir qui vient.
Pierre Mari :
« J'ai toujours pensé qu'en matière de bon usage du mépris, Pascal complétait très heureusement Chateaubriand, selon une loi de tension harmonieuse de nos grands siècles littéraires. "Il y a des temps, écrivait le second, où l'on ne doit dépenser le mépris qu'avec parcimonie, à cause du trop grand nombre de nécessiteux." L'auteur des Provinciales, quant à lui, estimait que le "manque de mépris" constituait une forme de péché au moins égale au "manque de respect". Entre parcimonie et juste rétribution, sachons donc trouver la bonne mesure qui revient à chacun. »
Pierre Mari :
« Je n'aime pas me sentir guidé par le mépris.»
Et Dieu encore : lister un peu les « Je » avec lesquelles comme d'un style de mollasson notre grand-homme nous badigeonne son esprit : « Je n'en peux plus » ; « J'ai honte de vivre » ; « J'ai honte de cette France » ; « Je déplore chaque jour »; « Je ne peux plus supporter » ; « Je frémis quand j'entends » ; « Je souffre quand j'entends » ; « je n'accepterai jamais » ; « j'éprouve une tristesse » ; « je pourrais continuer ».
Sa liste ce chère Mariolle qui n'est pas mieux construite et c'est bien dire : que ces logomachies encore d'Hollande le bonniface.
Et ces façons le soixantaire - de commencer les paragraphes et qui nous montre que le beau-vieux n'a jamais reconnu les élans, n'a jamais transpirer lorsqu'il écrivait ses mots ; n'a jamais ressenti de la fièvre ; il fut et n'en finit pas d'être encore à bout de souffle :
« Vous êtes trop nombreux » ; « C'est bien connu : » ; « C'est le moins que je puisse dire » ; « Dans une autre époque » ; « Il serait difficile, » ; « Il faut croire ».
J'en passe ! Et comme je l'imagine ce parâtre : il est à son bureau des merveilles, son châle qui est posé sur les épaules et ce front de copiste qui n'entend la littérature qu'avec de ses efforts, Dieu ! Vous considérez mon cher petit que notre langue est à force d'usage ; c'est que Dam, vous êtes si mauvais lecteurs ; écrivains si pleutres que la petite férocité qu'ont les âmes à se déparaître des circonstances donnés vous apeure. La littérature, ce n'est pas être à compter les bouliers des bon-mots ; il faut laisser le mot juste à tous les catalogues, ne sommes pas ici pour vendre par Agrabah - mais vous faites les Madames sérieuses qui soupèsent les mors ; vous ne mordez un homme qu'après avoir tout juste barboter vos trois dents. Mesdames vos dentistes, et dentiers à votre verre ; lorsque vous buvez votre café que vous sucrez modeste ; quelques dent sur pivots ne sont-elle pas très lâches et ne se défilent pas ? O ce bordel ; lupanar que détient la tantine - la littérature amène s'en vient et se rengorge - et toute la sacristie, ses pleureuses - vont faire Chame !
Je vois que vous écrivez avec cet air chagrin, cet air peu-s'en faut, ce dépit qui vous sied. Vous admirez à fond vos petites tartines éprises de ce parfum de la mélancolie ; vous éspérez à qui mieux que de petits-enfants viendront à croquer vos cent pleurs ! Il n'y aura rien. Vous ne donnerez jamais un exemple à des enfants comme vous êtes de nature ; complaisant à ces hommes qui estiment l'indolence.
Vous n'avez mon cher Mari bien marri, qu'à votre dos les coussins rembarés par ses déjeuners à l'orientale qu'à trente ans d'idées noires vous donnèrent à qui-veut ! Comme je sais que votre histoire n'est au fait que de ces entre-labiales qui voulurent à Djazir vous mômer peu ou prou. Mais cela !
Et son vocabulaire est par défaut notre cher ! Pas un mot qui ne dépasse, qui ne fasse bien front à son lecteur, qui ne l'enthousiasme ou ne le révolte. Au lieu de ça nous avons de ces phrases en papier mâché, des quintaux de phrases, des rituels plus sordides encore et tout s'embaume ; des mots qui ne sauraient être au mieux que des momies - et ces accouplement, la grande computation, l'orgie unique. Toute liberté défunte en sexualité littéraire ; ils auront peut s'en faut ; ces grégaires et Mari l'atêté - conditionner le ban qui nous fit à ce jour les a-genres. C'est à la grande-cause de ces gens qui auront considéraient et perdus toute poésie de la langue ; que bientôt nous donnèrent les brus nos chers fouquets.
Notre langue latine s'intensifie de lieux communs. Bientôt nous parlerons Nahuatl, nous aurons des glyphes et nos mots n'auront plus de significations ; tout sera imagé, voyez ce mot, un jour il sera bien compris autrement, sous une forme de bande déssinée. Et nous serons devenus des Egyptiens.
Pour conclure, je rajouterais l'extrait décisif de Henry War qui aura fait la critique de Pierre Mariolle : « Mari s’exprime bien, cela va sans dire, mais il demeure ici en-deçà de sa capacité et même de son jugement de la littérature, en somme de son plus difficile et digne défi : son vocabulaire est exact mais il le délaie parfois de locutions figées, de sortes de proverbes ; ses tournures sont intuitivement expressives mais il noie leur efficacité par des redites ; il travaille ses phrases mais il n’ose pas les ciseler – presque n’importe quelle page me servirait méthodiquement d’exemple si je ne craignais pas de paraître en l’exercice un odieux donneur de leçons : j’y indiquerais en particulier ce qui mériterait, en énième relecture, d’être retranché (son sens empesé de la virgule encadrant systématiquement les circonstancielles, ou, au contraire, son goût de la phrase nominale traduisant un défaut d’aventure parce qu’il faudrait, sans cela, prolonger la proposition précédente jusqu’à crainte de l’essoufflement du lecteur dont il ne présume pas de la respiration longue et de la louable patience, c’est-à-dire de la faculté artiste… entre autres choses) – ; son essai, loin d’être fade, n’a tout de même pas la dimension d’une œuvre d’art, ce qui, compte tenu du sujet, est en partie contradictoire (pour modèle, je pense à La belle France de Darien que je feuillète en ce moment et lirai bientôt : ce semble un paroxysme d’engagement artistique, sur un thème, je crois, assez similaire) : il faudrait à Mari l’effort d’un désir hardi d’écrire de façon intempestive, tandis que son éditeur lui-même ne lui accorde, en quatrième de couverture, que cette banalité presque insensée tant elle est éculée de « la pointe d’un style inimitable ». Voilà, en somme, ma formule définitive : je recommande Mari à la lecture des artistes à venir, et je recommande à Mari une écriture plus digne des artistes que mes recommandations voudraient lui permettre de rencontrer. »
source photo : Lisa Eulry
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