Les Assiégés - Courte pièce
- Venehon
- 15 nov. 2022
- 28 min de lecture
Courte pièce écrite autrefois avec M.D
« l’archéologue dans les roches confondra nos siècles et nos jours et la conque d’un téléphone rouillé ne lui livrera aucun secret sur le bourdonnement de nos paroles »
Jean Tardieu
Une maison, incomplète ; deux personnages sont assis.
NEMOSSOS. Je me suis levé bien tôt ; il fait encore très froid. Le ciel est d'un bleu pâle, affadi, magnifique ; des lignes d'avion poudreuses le traversent. L'air est comme humide et lourd de muqueuses. Il y a des couleurs de papiers peints et de cahiers d'école sur le jardin. Je voulais écrire comme Philippe Delerm. Je fus abasourdi par le progressisme politique de ce dîner très plaisant, très gai, très bon en plus, hier soir - j'étais bien seul, je ne pouvais soutenir mon opinion. Parfois j'ai honte d'être jeune et réactionnaire, en public ; je sais trop ce que l'on peut m'opposer. Je ne suis même pas si réactionnaire - c'est eux qui sont ... Louise, la cousine de mon père, la fille de ma grande-tante, est la seule personne que je connaisse qui emploie encore l'expression "vivre ensemble" au premier degré. Autrefois, on disait la "cohésion sociale" ; c'était tout de même mieux que le "vivre ensemble". Ce fut une très belle journée - presque comme celles de mon enfance. Pourquoi a-t-il fallu que le désir vienne ensuite tout gâcher ?
MONTAVIE. Je me suis levé bien tard.
NEMOSSOS. Vous venez de vous lever ? Montavie. Je souffre beaucoup ce matin, à cause de la lecture du journal. C'est assez fréquemment le cas... Je lis le journal et je me sens soudain tenu par une grande sympathie pour tous ceux qui attaquent ce monde, en l'occurrence l'islamisme, même si leur morale m'indiffère et que leurs méthodes me paraissent mauvaises. J'ai parfois l'impression d'être le dernier à ne pas aimer ce monde, à penser même qu'il est l'image de l'Enfer... Les damnés ont tous l'air heureux. Ils défendent leur damnation pied à pied. C'est atroce, d'être seul à penser ce qu'on pense... Je peux toujours me tourner vers les voix du passé, dans lesquelles je trouverai évidemment un grand réconfort, parce qu'elles pensent comme moi sur presque tout. Mais je ne peux me reconnaître dans aucune voix présente ; pire : je les trouve toutes ignobles.
MONTAVIE. Les islamistes sont tout aussi mort que ceux qu'ils attaquent, je le crois. Je ne sais pas pour l'enfer - je ne pourrais pas vous répondre ...
NEMOSSOS. Non, ce n'est pas vrai pour les islamistes. S'ils étaient morts ils ne chercheraient pas à mourir... Le fait de vouloir mourir est bien une preuve de vie... Le seul fait d'avoir ce monde en haine est une preuve de vie.
MONTAVIE. Je ne sais pas. Quels sont vos voix du passé ?
NEMOSSOS. [un temps] Vous les connaissez ...
MONTAVIE. Oui, je voulais savoir s'il y en avait d'autre.
NEMOSSOS. [un temps] Certaines personnes très âgées peuvent encore donner une image à peu près digne de l'humanité, en Occident... Mais en dessous de cinquante ans, il n'y a que des morts-vivants. Hier soir je lisais Gadenne, "Les Hauts-quartiers". Cela m'agaçait énormément par moments. Je n'idéalise pas le passé. Mais ce monde est l'Enfer, ce n'est pas douteux.
MONTAVIE. Je ne sais pas ; je ne me souviens pas trop.
NEMOSSOS. De quoi vous ne vous souvenez pas ? [un temps] Si je n'avais pas une œuvre à dire, j'achèterais une arme et j'irais tirer sur un des lieux symboliques de la désymbolisation, de l'Enfer. Je le ferais en toute confiance. Ensuite je me tuerais, car je n'ai aucune envie de faire de la prison. Mais je ferais cela, oui. Réduire, ne serait-ce qu'un tout petit peu, le Mal, l'Enfer, l'abjection, la barbarie, les traîtres à l'humanité... Parfois la tentation est très forte. Surtout après la lecture du journal, ou le contact avec l'information en général. Vous avez écouté l'émission de Répliques avec Baudrillard ?
MONTAVIE. Oui je l'ai écouté. [un temps] Je ne sais pas Nemossos ; vous savez que je ne souffre pas dans la même direction que vous. [un temps.] Vous avez de l'espoir dans la guerre civile ? [reprise de la dernière idée.] Et si je souffre d'ailleurs ; si ce n'est pas seulement un caprice, hors, moi, je peux le dire - mais comment le croire.
NEMOSSOS. Vous avez bien tort de ne pas souffrir dans la même direction. Je me demande comment c'est possible, d'ailleurs, pour un garçon aussi sensible et fin que vous... Vous trouvez encore quelque chose d'humain, de supportable, au mode de vie, comme ils disent, promu par l'ex-Occident ? Je n'ai d'espoir dans rien. Si, quand même : j'ai l'espoir de voir crever ce monde, ses valeurs qui sont la négation de tout ce qui fait qu'un être humain est digne d'être appelé tel. De le voir attaqué, de plus en plus, puis disparaître. Mais je ne fonde pas d'espoir sur ce qui pourrait venir à la place. Tout le monde a un espoir social, malgré tout... Hier, à table, j'étais le seul à n'en pas avoir, c'est sans doute pour cela que je ne parlais pas beaucoup. J'ai une nostalgie, mais pas d'espoir. Non, Bernard n'a plus d'espoir non plus - mais il est quasiment infirme, et il a 87 ans. Et je ne sais pas exactement quels ont été ses espoirs, quelle est la profondeur de sa foi religieuse... On peut tout à fait vivre sans espoir, avec juste le désespoir, la nostalgie et la faculté de créer. Louise a de l'espoir dans l'économie partagée et les associations bien-vivre ; Agathe, dans l'interculturalisme et l'échange culturel mondialisé. La tante Juveltine elle aussi, à presque 90 ans, a encore bien de l'espoir. Elle était émerveillée d'avoir eu presque 700 visiteurs dans la journée à la basilique de Remonce, dont elle tient le guichet. Et elle a un livre de vacances sur le Pape François, avec une pensée chaque jour - il est devenu son grand homme, ce qui vaut mieux que beaucoup, évidemment.
MONTAVIE. Je ne sais pas où souffrir, et si ça m’intéresse exactement. Je ne pourrai jamais suivre Louise et Agathe. Qu'est-ce qui manque dans l'occident d'aujourd'hui et qu'il avait avant ? Il a quelque-chose en trop... Je n'arrive plus à comprendre. Je penserai que vous avez raison sur moi - mais je ne parviens pas à comprendre. Quel est l'occident que vous voudriez ? Je n'arrive pas à comprendre… Faire le tour de votre pensée.
NEMOSSOS. Ce n'est pas grave, Montavie. Je sais très bien ce dont je ne veux pas, mais je ne sais pas trop ce que je voudrais. Je ne suis pas sûr de vouloir quoique ce soit. Il n'est d'ailleurs pas assuré que quelqu'un puisse s'accorder à ma pensée, la comprendre. A part des morts.
MONTAVIE. Oui, je n'en suis pas encore à la comprendre aujourd'hui.
NEMOSSOS. [un temps] Vous suivez bien ceux du théâtre - qui sont infiniment pires. Vous êtes courageux d'ailleurs. Je me demande quelle tête vous faites quand leurs discours vous passent par la bouche.
MONTAVIE. Ce sont les mêmes discours ; ils ne créent pas selon eux, la plupart.
NEMOSSOS. Mais vous êtes obligé de les reprendre, ces discours, par moments
MONTAVIE. Non, je ne parle pas. Et lorsque je dis, je nie.
NEMOSSOS. Mais je ne démords pas que pendant toute son histoire, l'humanité a pensé comme moi, pas comme eux. Comment niez-vous ?
MONTAVIE. Je dis " Non, je ne crois pas que"
NEMOSSOS. Et ils l'acceptent ?
MONTAVIE. Oui - je ne suis encore qu'une opinion. Rien de plus. Lorsque j'avais dix-sept ans - je savais encore soulever les ébahis. J'ai des souvenirs de classe. Désormais ; oh, mais - c'est ta façon de voir. En aucun cas l'on ne me manque de respect.
NEMOSSOS. Vous ne devez pas les contredire très fort, sinon ils se fâcheraient. "Oh, mais c'est ta façon de voir" c'est quand l'on est modéré encore.
MONTAVIE. Mais - tout de même, ils nuancent - où font les Lévy. Ils tordent parcequ’ils ne sont pas sûr de comprendre et parce que je ne comprends plus non plus ce que disent leurs mot - j'accepte - je dis que c'est ce qu'ils pensent. Je ne secoue personne - je n'en ai pas envie ici – je disais nous sommes impossibles ; on me dit que j'étais dur avec moi. Par conséquent on a pas voulu entendre. Mais on a voulu une sincérité. Ils n'ont entendu que le sincère sans le propos.
NEMOSSOS. Montavie, concrètement, quelles sont les valeurs qui vous semblent animer, faire vivre les gens autour de vous, à Goberne, à Lumat ? Quelle est leur raison de vivre ? Que trouvent-ils sacré ? Ma conviction c'est que le seul sacré qui reste ici c'est, appelez cela comme vous voulez, le principe de plaisir, la jouissance, la pulsion, le fantasme. Je me souviens d'avoir entendu Régis Debray dire : "La Shoah c'est le seul sacré européen qui reste" - mais non, pas du tout. Je vais vous donner un exemple. A Berlin, on a construit un monument, en 2005, de commémoration du génocide des Juifs. Des sortes de carrés gris, sur une esplanade. Il y a quelques années, il s'est avéré que ces carrés étaient devenus un lieu de drague homosexuel - les hommes en question se prenaient en photo dans des poses avantageuses, sexy, sur les carrés gris... Dans une société normale ils auraient été pendus, ou fichus en prison à vie si on est contre la peine de mort (si la Shoah était réellement sacrée). Souiller même le dernier sacré, le souvenir de la souffrance et de la mort, du sceau de la drague, du plaisir facile et de la consommation sexuelle... C'est ignoble, monstrueux - un deuxième génocide, symbolique. Eh bien il y eut tout un tas d'articles dans la presse pour dire que c'était très bien, qu'ils "faisaient ce qu'ils voulaient", comme on dit - que rien n'empêchait de faire cela. J'ai lu bien des commentaires de gens sur Internet allant dans le même sens. Le seul journaliste qui avait le malheur de se demander si c'était bien acceptable de faire cela, il se faisait insulter, traiter de bien-pensant, en bas de son article. Je lus aussi sur un forum des gens qui trouvaient ça très bien, "je ne vois pas qui ça gêne", etc. Vous voyez, c'est ça, la barbarie ; c'est ça l'obscurantisme. Ce n'est pas l'islamisme, la religion ou je ne sais quoi. Non, c'est ça l'obscurantisme : quand il n'y a plus d'autre sacré que la volonté animale de jouir le plus possible, sans autre règle. Je pense que j'ai été clair - il n'y a qu'un exemple, mais on pourrait les multiplier (et l'homosexualité masculine est souvent importante dans ces exemples, car elle est un parangon, dans sa pratique actuelle, de ce monde - elle le résume, en ayant transporté dans le seul domaine qui échappait à la consommation, l'amour, les lois de la concurrence et de la consommation sexuelle - Houellebecq a dit cela, dans les particules.
MONTAVIE. Mais lorsque que pour commémorer à Verdun - la municipalité organise une course entre les tombes et que des gens y courent, en tenue de sport ; que des personnes sur internet trouvent cela ignoble - qui sont-ils ceux qui réagissent là-dessus ? Penseraient-ils qu'il n'est pas bon de se prendre en photo sur un monument commémoratif ?
NEMOSSOS. Je n'arrive pas à retrouver mon souvenir où les gens disaient que c'était très bien, d'enterrer la souffrance de millions d'homme sous sa photo de profil sexy. Ce n'est pas seulement les photos. C'est ce qu'il y a derrière.
MONTAVIE. La jouissance a toujours été sacré ; mais sacré à dépasser tellement la mort, je n'en savais rien - le droit, l'action conquise à jouir par-dessus la mémoire est une ignominie, certainement. Et qui sont des imbéciles ; ceux qui ont oublié de mourir au profit de profiter de la vie.
NEMOSSOS. Mais non, vous dites n'importe quoi, le monde occidental chrétien a toujours méprisé le plaisir, à raison. Parfois on a l'impression que l'homosexualité est devenue sacrée, c'est peut-être pour cela que le Mémorial ne choque pas alors que Verdun, si - que les gens sont terrorisés par les activistes gays, et qu'ils préfèrent aller dans leur sens de peur de ? De quoi ? Je pense que les homosexuels et précisément la junte homosexuel sont en train de détruire la civilisation, voilà.
MONTAVIE. Mépriser ce n'est pas reconnaitre un sacré possible ?
NEMOSSOS. Oh, si certainement.
MONTAVIE. Je ne crois pas à la décadence Nemossos, voilà pourquoi.
NEMOSSOS. Oh, si certainement. Il y a du sacré partout, potentiellement.
MONTAVIE. Mais pas seulement celle de nos jours - je ne crois pas plus à celle de Rome.
NEMOSSOS. Moi non plus, je ne crois pas aux décadences, même si je les constate. Ce que nous vivons n'a pas grand-chose à voir avec une décadence, qui est encore de l'Histoire. Ce n'est pas Néron qui est au pouvoir, c'est autre chose (même s'il y a des points communs). C'est un Néron machinique, opérationnel, sans désir et sans volonté, sans art aussi - alors que Néron est un artiste. Je ne voudrais pas vous parler ainsi, vous dire cela - vous me l'aviez demandé. Cela ne fait qu'accroître la souffrance.
MONTAVIE. Ne souffrez pas pour m'expliquer.
NEMOSSOS. Je ne veux pas croire que le sexe et l'argent ont toujours été les deux passions uniques de l'être humain - ce n'est pas vrai.
MONTAVIE. Oui, oui je suis d'accord.
NEMOSSOS. Pourquoi Verdun choque et pas le Mémorial - c'est une bonne question. Le rappeur de Verdun, aussi. C'est très bien de s'indigner de cela, mais c'est tout de même infiniment moins grave que les homosexuels de Berlin. Et les fêtes de Jeanne d'Arc qui sont devenues une fête électro à Orléans - personne ne dit rien, là non plus. C'est même avec cette promesse que le maire s'est fait réélire en 2008, avec les voix des jeunes.
MONTAVIE. Ce sont les mêmes personnes qui courent et qui jouissent.
NEMOSSOS. Parfois on a le sentiment qu'il n'y a plus que les considérations de race qui comptent - c'est fatigant. Ah mais c'est vrai - le rappeur de Verdun avait dit du mal des homosexuels - ce doit être cela.
MONTAVIE. Mais tout ça ; mais je le crois que l'homme pourra se retrouver, en France, au moins - pour l'occident. Mais très vite - car nous allons vers de plus en plus de jeunesse, je le crains.
NEMOSSOS. Une société dans laquelle la séparation des hommes et des femmes est le Sacré, c'est tout de même ignoble... Ce n'est pas la valeur d'ailleurs - la valeur, c'est l'assouvissement de son fantasme. Ils sont à la fois infantiles, très infantiles, très mièvres, niais sirupeux - et en même temps darwinistes, compétiteurs, parfois haineux. C'est une curieuse alliance, prophétisée par Huxley.
MONTAVIE. Je n'ai jamais su s’il s’agissait d'une histoire d'homme ou d'une histoire de masse d'homme à homme.
NEMOSSOS. Quelle est la valeur, à Chorlis ? Quelles sont les valeurs structurantes, dans la rue d’Eril ?
MONTAVIE. La valeur ; c'est le partage, c'est le mélange. La rue d’Eril est plus vivable mais plus idiote. Heureusement parmi ceux qui ne le sont pas - je crois voir des hommes. Il ne faut pas mentir ; j'ai vu des hommes capables de la vie. J'en ai vu d'autre qui vivaient à défaut. C'est pourquoi l’existence insistée des quartiers. Il y a une différence d'homme. Pourquoi les valeurs républicaines.
NEMOSSOS. Et vous, Montavie, êtes-vous capable de la vie ? Non, pas les valeurs de la mairie communiste - les valeurs desquelles vivent les gens. Concrètement. Quel est le sacré ? Dans les quartiers où ce n'est pas l'islam - la drogue ? J'ai horreur du mélange pour ma part - mais j'aime beaucoup le partage. Qui est chrétien. Le mélange...
MONTAVIE. Les gens ne peuvent pas vivre en dehors de ce qu'on leur fait croire qui est la vie : la mairie est une machinerie - c'est une simulation. Mais, chez eux - au bon endroit ; la plupart peuvent vivre encore - alors ils ont un sacré qui est d'aimer leur famille, de penser encore à la réalité - les gens qui font des courses sont les plus vivants ! puis il y a ceux qui ont des êtres malades ; alors on pourra leur demander qui est malade et de quoi - ils se devront de répondre, et malheureusement sans aucune gêne : mais je crois, on se retrouve et ce n'est pas "je vais me ressourcer" car c'est inconsciemment.
NEMOSSOS. Qu'avez-vous fait hier, hormis le parc ? Quel est le nom de ce parc ?
MONTAVIE. La plupart jouisse ici - et surtout parmi la jeunesse ; mais peut-être suis-je à simplifier là, la question - comme Elisabeth Lévy. Mais ils pensent à d'autre chose, je le sais - on leur demanderait de choisir - indéfiniment un stupre ou indéfiniment une vie sobre et de vie bonne. Ils choisiraient la seconde.
NEMOSSOS. Ce n'est pas le stupre - c'est autre chose.
MONTAVIE. Je ne comprends pas trop ?
NEMOSSOS. Le stupre, c'a toujours existé. Non, vous ne comprenez rien. Tant pis. Bel après-midi. [il s’en va]
MONTAVIE. Je suis resté dans le parc, la journée.
NEMOSSOS. [revenu] Qu'avez-vous fait dans le parc ? Mettiez-vous un rat sur votre ventre ? Si vous parlez de Vincent la Soudière, à vos professeurs de théâtre - que diraient-ils ?
MONTAVIE. Qu'est-ce qu'il me reste à comprendre ?
NEMOSSOS. Vous ne comprenez pas l'enjeu ; mais je dois mal l'expliquer, ou plutôt je ne sais pas le faire sentir. Ou alors plus personne d'autre que moi n'est capable, parmi les vivants, de le sentir - je ne sais pas. Mais ce n'est pas grave, je ne vous demande pas cela.
MONTAVIE. Je ne sais pas.
NEMOSSOS. Le seul fait que vous ayez dit, au début où nous nous parlions, une fois, "Un jour l'on pourra faire des enfants de deux hommes" D'ailleurs ce doit déjà être le cas ! montre assez que vous participez, de ce monde - vous êtes d'accord avec le processus, avec la déshumanisation. [un temps] La seule chose qui me soulage un peu, quand je souffre ainsi, à en vouloir mourir - c'est de blesser les autres, de leur faire du mal.
MONTAVIE. Je crois que l'enfant par la naissance n'est pas fait par les parents - mais qu'au contraire la naissance c'est défaire. Oui, alors je peux penser - que l'enfant peut bien être de père et de père ou de mère et de mère - je l'ai prouvé, je n'ai vécu qu'avec ma mère. Je disais : "Sa nature n'abolit pas l'enfant" J'avais prouvé ma pensée je le crois, là-dessus.
NEMOSSOS. Oui, et regardez à quoi cela vous a mené... De ne vivre qu'avec votre mère et sans père. Vous n'êtes pas capable d'aimer les femmes. D'autre part avoir un père absent et avoir deux pères n'a rien à voir. Comment peut-on humainement penser qu'il soit acceptable, humain, de faire un enfant de deux hommes - sauf à considérer l'humain comme une machine performante réglable comme on le veut ?
MONTAVIE. Ce qui est humain c'est l'enfant. Puis je ne suis plus sûr - je sens une fragilité dans ce que je dis que je n'avais pas. Je prends la défense de quelque-chose en quoi je ne suis plus sûr.
NEMOSSOS. Ce qui est humain c'est l'acceptation qu'il y a deux sexes, et la confrontation avec cette dualité, différence. La légèreté même avec laquelle vous parlez de cela montre bien de quel côté vous êtes.
MONTAVIE. Je ne suis d'aucun coté. Je me fiche totalement qu'un homme puisse faire un enfant avec un autre - je n'en ferai jamais et je ne me marierai jamais comme on nous à donner le choix - car je trouve cela - cette défense faite, ignoble ; je serai marié peut-être dans l'autre vie ; cinq cent ans après le droit.
NEMOSSOS. Le seul mariage est religieux de toute façon - le mariage civil, c'est une blague. Au début de "Chers djihadistes..." Muray parle de cela ; on n'en était encore qu'aux débuts de la barbarie, aux prémisses, il y avait des résistances. Mais il avait trouvé un article là-dessus, sur les premiers projets d'enfants privés de père, ou de mère, privés de différence et d'altérité, enfermés dans le goulag du Même... Il le répète, il le martèle : voyez, à côté de nos destructions, les vôtres sont du pipi de chat... Et en effet, qu'est-ce que la mort de milliers, la destruction de tours, à côté de l'"homoparenté" ? Ce n'est rien - un détail. La véritable destruction c'est celle des bases anthropologiques sur laquelle l'humanité a toujours vécu. Et sans lesquelles elle ne peut pas vivre. L'humanité débarrassée de la mort, de la souffrance, de la différence des sexes - ce n'est plus l'humanité.
MONTAVIE. Je ne crois pas au Darwinisme Homosexuel. Qu'en savoir si le père et le père ?
NEMOSSOS. Je suppose que vous trouvez très bien l'inceste, aussi - si vous trouvez que tout doit être libre. D'ailleurs, pourquoi deux pères ? Pourquoi pas six, huit ou douze ? Pourquoi ne pas pouvoir devenir le père de sa mère ? Pourquoi ne pas inverser les parents et les enfants ? Pourquoi ne pas pouvoir choisir soi-même ses parents ? Pourquoi ne pas légaliser le meurtre ? Pourquoi ne pas pouvoir avoir une perruche et un hamster pour parents ? Pourquoi ne pas pouvoir avoir quatre pères et dix-sept mères, une langouste comme oncle. C'est beaucoup trop modeste, de se contenter d'abolir la différence des sexes. Il faut être moderne, il faut aller plus loin.
MONTAVIE. Je ne vous remercierai jamais assez de me penser comme un monde. Mais ce n'est pas ça.
NEMOSSOS. D'ailleurs on se demande comment l'interdit de l'inceste peut continuer à tenir avec tout cela - il n'y a pas de propagande en sa faveur, aussi.
MONTAVIE. Je dois revenir ... [il sort]
NEMOSSOS. Pourquoi ne pas consacrer les familles pluriparentales, Montavie ? Huit pères et sept mères. 48934983 pères et 3940249204 mères. Après tout, vous n'en avez eu qu'une - et d'autres en ont deux - aucune différence ! Et c'est bien, vous admettez que votre homosexualité est due à votre privation de père - qu'elle est donc anormale, d'origine névrotique. C'est bien de l'accepter ; beaucoup ne l'acceptent pas, surtout ceux dont le père est le plus absent. Si vous aviez eu un père, vous auriez sans doute mieux réussi vos études - et moi, si j'avais eu un père, j'aurais continué mes études.
MONTAVIE. [revenant] Je n'ai jamais admis qu'elle vient de l'absence de mon père - justement elle vient d'un désir de paternité. L'absence de père c'est une psychologie, encore - à laquelle je n'adhère pas. Je ne ressens pas, surtout. Le père et le père n'est pas pour moi un progrès - c'est une primitivité. Et je ne parle pas de l'adoption, que je trouve idiote.
NEMOSSOS. Elle ne peut venir que de là, pourtant. Mais vous ne ressentez pas non plus le manque des femmes - vous ne ressentez pas ce que vous devriez ressentir. Une "régression biologisante", comme avait dit Irène Théry. Pardon de citer Mme Théry. C'est drôle que vous n'acceptiez pas qu'elle vienne de là. Elle vient toujours de là... Sans exception, ou presque. Moi je l'accepte très bien. Je l'ai déjà dit à mon père d'ailleurs, que c'était de sa faute si j'étais homosexuel - je l'ai dit à ma mère, aussi. Puisque l'un et l'autre se rejetaient la faute ; moi je les accusais tous les deux. Mon père était le contraire d'un père - un anti-père ; il n'était pas fait pour cela. Ceux qui pensent que l'homosexualité est innée, sont ridicules. Manipuler la science au service de leurs fantasmes ; comme les hitlériens.
MONTAVIE. Je suis d'accord qu'elle ne l'est pas. Encore que certains qui le voulait franchement - et qui me dise ne pas l'avoir découvert - m'ont mis un doute dont je ne sais quoi faire. Elle ne l'était pas chez moi. J'aime les hommes pour avoir aimé les femmes comme un homme ne les aime pas. Et je n'aime pas complètement les hommes encore. Je n'en suis pas sûr - mais je n'aime pas les femmes : comme je ne pourrais pas aimer un homme qui aime les femmes comme un homme. Ce n'est pas une possibilité de pouvoir ; je ne peux pas. L'homme m'a peut-être dévié de la femme parce-que la femme en grande partie lui correspondait. J'ai dû aimer des femmes aux cheveux courts, d'ailleurs - des garçons manqués et pourquoi ? Ce n'est pas du simple goût. Je ne crois pas aux goûts. C'est l'idiotie général le goût. Et je trouve ça miraculeusement inhumain ! Et pourquoi avoir aimé Charlotte, une jumelle - avoir choisi celle qui ressemblait le plus à un garçon - qui était le moins fille. Je le ressens bien encore - l'émoi qu'elle me provoque, la différence de sa jumelle. [Un temps] Depuis quand comprenez-vous tout ça ? Je ne supporte plus l'époque ; et d'en parler aussi. Et ce mot époque est immonde - c'est bien là pour qu'on y soit forcément ; je veux me détacher de ça. Qu'ils fassent ce qu'ils veulent ce que je sais ; c'est que le présent a toujours été le même. Il a ignoré pour mieux comprendre. Pour mieux faire croire qu'il est "artiste de son époque" Qu'il s'engage, qu'il est "écrivain publique" pour aider. Mais j'accepte qu'il y ait des gens qui ont besoin d'aide - je n'accepte pas que ce soit cet écrivain public qui s'en charge. Vous pensez que je suis du coté - vous vous trompez, vous vous trompez - je le sais. Ce monde ne me dégouterait pas sans aucune raison. Vous disiez ne pas tuer parce-que vous faisiez Œuvre. J'essaie - moi aussi. Bien-sûr d'autre ont essayer et ils faisaient partie encore de ce monde - mais non, moi j'ai par moment le défaut d'y être et récemment encore, trop récemment - mais parce-que j'en entend parler de tout coté, parce-que j'écoute Boutang, j'écoute Maurras - des époques et Rebatet ; Chancel lui demandait quelque-chose, je ne sais plus quoi et il disait : " Vous savez je n'ai rien contre les arabes, j'ai des amis arabes " Il savait déjà où l'époque lui montrer à suivre la haine. Et il s'y vautrerait s'il le fallait. C'est un immense jouisseur, un vaniteux. Et non, je ne suis plus sûr du père, je ne sais plus y penser - dès lors je ne sais pas retenir la mesure, mais vous aviez la gentillesse de me croire l'esprit mémorable - ah, et je suis encore à me flageoler. Je suis bien dégoutant. Je dois m'en aller. [il sort] [il revient] Je suis un idiot. J'aurai aimé n'avoir pas à penser à toute l'époque présente ; il suffirait d'une naissance au demi-siècle. Je veux essayer de circonscrire le problème ; j'aime dans le fait d'une femme et d'un homme ce que l'époque a probablement appelé et revendiquer : la part de féminité d'un homme ou le masculin d'une femme. C'est idiot. La construction sur le père et la mère de l'enfant - je n'y ai pas cru ; je peux le voir chez mes frères et sœurs et chez moi ; mon frère m'a le plus influencer. Non ? Pourquoi ne comprendrai-je pas ... Vous l'avez dit peut-être : les gens autrefois pensaient comme vous. Devrais-je arrêter la vie si je suis incapable de comprendre - je ne veux pas de vivre dans l'erreur ...
NEMOSSOS. Je ne peux pas tellement vous répondre … Je me sens un peu mieux, me revient le souvenir d’une promenade assez longue, sur les serres, dans des pays où je ne suis jamais vraiment allé à pied. Je partais de Fehaut, sur les plateaux au-dessus de Tadet - jadis, nous allions y chercher notre fromage, les gaperons fabuleux, les fourmes de Rochefort, les Laguiole, les Saint-Nectaire. Je faisais une boucle, par plusieurs hameaux - à la sortie de l'un, Marmontel, il y avait cette femme naine, hideuse, avec une seule dent, qui partait chercher des airelles avec son seau - un tableau de Goya. Plus loin, dans le vallon de la Birère, deux chiens me suivait longuement - deux chiens blancs. Je croyais d'abord qu'ils jouaient, mais non : l'un essayait de culbuter l'autre, qui y était indifférent. Et il faisait peu de doutes que c'était deux mâles - un paysan qui attendait avec son 4*4 que ses vaches aient fini leurs granules, leur dit : "Pédés !" - j'en fus certain. Les villages n'étaient pas très beau, l'eau des fontaines presque noire. Mais il y avait quelques plateaux superbes, comme j'aime, très nets, presque jaunes, d'une horizontalité pure - avec des pins au sommet, et des croix ; et dans l'horizon, les Sancy presque verts ou la ligne bleue du Loresse, et parfois le sommet du Puy de Blode qui apparaissait. Cela m'a apaisé. J’irai. Ce sont des paysages presque abstraits, dans ce carré entre Tadet, la Montagne de la Rie au Nord ; Champeau et la vallée de la Vouge au Sud ; la route Maroue-La Cornette à l'Ouest et la plaine à l'Est. Il y a peu de villages, et leurs noms m'ont toujours fasciné, sur ces plateaux vides, vert très pâle ou jaune, avec des crêtes très tranchées, pas mal de rocailles, et de vastes horizons - et des vasques cachées, où sont les villages. Le tout est métaphysique. Les villages sont Les Ombris, Alloi, Tadet, Le Verot, Sainte Martine, Cournoves... Je voulais au moins une fois parcourir ces lieux à pied.
MONTAVIE. J'aime le nom de Marmontel.
NEMOSSOS. Oui - c'est d'ailleurs le seul nom qui n'existe pas, pas ici en tout cas. Il s'agit du hameau de Montmarcel ; beaucoup plus laid, et classique. J'aime beaucoup Alloi pour ma part, et Les Ombris. [un temps long] Tous ces jeunes Français qui vont dans l'armée, c'est impressionnant ... Je n'arrive pas à comprendre ce qu'ils défendent. Peut-être qu'ils s'ennuient ? Je ne sais pas s'ils acceptent les homosexuels dans l'armée - avoués. Pourquoi me disiez-vous ne pas croire à la décadence, ce qui nous environne est j'en conviens bien pire, mais c'est tout de même l'allure d'une décadence, les passions d'une décadence ?
MONTAVIE. Je ne sais plus - je me souviens une seule fois de l'avoir compris de l'intuition ; je n'ai pas voulu lâcher ; je me suis dit avoir raison - c'était en cherchant « L'enfer c'est les autres » et ne pas trouver Sartre mais Youssoupha : Je me suis dit que la décadence n'était qu'une déformation.
NEMOSSOS. Je ne connaissais pas ce M. Youssoupha ; vous me l'avez fait découvrir. Le rap toujours... [un temps] Si je souffrais moins, je trouverais sans doute plus facilement la position pour dormir sur l'oreiller, le soir et il faut toujours se dire cela, que tout ce que les hommes pensent et imaginent, c'est pour trouver la meilleure position pour la tête, sur l'oreiller, le soir.
MONTAVIE. [il sort] Je dois revenir encore ... [il entre] Je suis revenu, je songe à quitter et ne plus revenir.
NEMOSSOS. Si vous quittiez, nous ne pourrions plus nous parler... ce serait triste. J'aime vous parler. Je me souviens d’un dîner, à Cret - c'était très aimable d'ailleurs. J’étais assez imbibé. [un temps] Mon rosebud ... je vous le dirai après que nous nous embrasserons. Après que plus indicatif. L'amour entre mâles, c'est très bien, Montavie - mais pourquoi ne pouvons-nous pas aimer les femmes et faire des enfants, donner la vie ?... Nous sommes handicapés de la vie. J'en souffre atrocement Montavie - vous ne pouvez pas imaginer. J'ai déjà oublié le serveur - qu'est-ce qu'un beau corps bien enrobé de vêtements à la mode, de joggings Calvin Klein et de T Shirts Armani à côté de votre gentillesse... Je vous donnerai ce que vous voulez, quand j'aurai de l'argent. Et j'en aurai, je vous le promets. C'est si doux de ressembler aux autres garçons, d'être identique à eux - de boire et de faire la fête et de faire valoir ses marques de vêtements sans penser à autre chose. Cependant c'est une erreur de penser que la vie est là. L'homosexualité, l'amour entre mâles exclusif c'est le Mal, Montavie - je voudrais vous en persuader.
MONTAVIE. Tout irait mieux si l'amour n'était pas. Je n'ai besoin de rien, et je ne veux pas avoir besoin. Je ne suis pas très bien ... Je n'arrive plus à vous parler ... C'est pourquoi toute les impressions … Je n'aimerai plus les hommes très bientôt comme je n'ai plus aimer les femmes ; ça suffira d'avoir aimé et j'aurai dans un souvenir seulement ce que j'étais ; l'effet sera de moins encore parler de - comprenez que je n'aime plus aimer. Qu'absolument tout est dégoutant. Surtout la pensée ! Parce qu’elle ne saisit rien ... J'avais tout dit avant je crois ... quand vous disiez que j’ai eu beaucoup parler ... Je ne sais pas si vous m’entendiez ... Mais je ne veux plus de faiblesse, assez le silence ! Assez tout ça, vraiment piteux état de passer une vie à aimer puis à aimer - aimer dans tous les sens. Mais encore je ne pourrai jamais voire totalement ma vue ; penser totalement ma pensée ! L'esprit n'existe plus ! Tout est une histoire de goût - le reconnaissait vous, Nemossos ? J'ai mis toute ma force à accepter que les gens puissent penser ; j'ai dû paraître indécis à tout moment ; mais enfin ! ils ont une bonne raison ... oui, de penser, de dire : ils n’ont pas que le mot à la bouche. Aller ! Tout ça est insupportable, je ne veux plus du tout de cette fiction : l’œuvre poésie est survivante sans personnage. Le roman est une image idiote ; tout le roman - pas un ne sauve l'autre. La philosophie est un truisme gigantesque qui du tambour veut jouer l'air de l'esprit. La poésie est la seule existence quand elle n'est pas critiquée par des professeurs ES Sommité. Quand elle ne se laisse pas ronger par la correspondance - quand elle ne devient pas Artaud. Quand elle n'est pas lu - c'est la poésie la plus importante ! [un temps puis plus fort] Je ne veux convaincre rien du tout ! Je dis pour que vous compreniez et que vous vous fassiez une idée et non pas un goût sur moi. Je voudrai un Pamphlet contre le goût ! Mais je ne le saisis pas assez. Et tous ses gens me dégoutent. Absolument tous ; les spectateurs. Je n'aime pas - je m'imagine en eux et je ne voudrais pas être dans leur ressenti ; ils sont là pour qu'on approuve qu'ils puissent posséder un goût. Je voudrais un hermétisme complet de ma parole ! Pour n'être écouter qu’incompris ! Rien de tel pour se sauver de devenir un goût. On cherchera à vous donner le goût du mystique - bien-sûr on échappera pas au lumbago de leurs têtes. Oh. Il faudrait être décisif comme Lautréamont. Vous ne savez probablement pas ce que je désigne par le goût - c'est bien normal ; pourtant la clarté ne pourrait pas être au plus - mais ce n'est pas un défaut de lumière - mais d'enluminure : le mot est une enluminure. Il n'y a que ça qui m'obsède, moi le Goût - l’homosexualité ou si je suis ascète ; je n'en sais rien - et je ne désire pas le savoir ; qu’il faudrait désirer. Il y a des choses que nous avons créé par-dessus la langue ; il serait faux de dire qu’elle nous les a apprise - pour le chatouillement étymologique - de rendre hommage pour les cultivés. C'est tentant d'avoir son nom au figuré dans un éloge ; mais désormais, ça y'est - je ne le veux plus. C'est un nid de vipère. La question de la sexualité ne m'a jamais importé ; je savais encore par où penser. J'aurai aimé que vous me parliez, j'ai besoin de me calmer - comme il n'y a rien pour le faire ... je voudrais que vous me parliez ... J'aurai aimé dire des choses - mais les dire, même le plus durement possible ; au péril de s'en vouloir pour toujours et ne plus croiser notre route - non je dis des bêtises. J'aurai essayé de vous contacter ; la séparation est toujours une erreur qui s'aggrave. Je veux bien croire que tous les goûts sont dans la nature ; il faudrait dire tous les goûts sont de la nature ; ils sont aussi inconcevable – Ma veste est bleue ... j'ai bien changé depuis que nous nous connaissons ... j'en suis certain. Je suis plus évasif. Il n'y a plus beaucoup de pensées qui me passent au travers. Alors, j’y pense, elles sont, seulement ; virgules sans aucune correction - plutôt un défaut. Quelque-chose qui ne semble pas contrôler, compulsif. J'ai l'esprit terriblement confus ; je ne sais pas si je suis bien au fait de ce monde de goût et si je parviendrai à en posséder un. Ne serait-ce que m'y conformer pour y répondre, sinon je suis démuni. Nemossos, qu'est-ce le goût ? Pourrai-je comprendre un jour, si je goûtais - si je m'appliquais plus encore. Je ne comprendrai jamais le monde qui m'entoure ; le monde est rempli de centre d'intérêt et qui sont au centre de groupe décentré - dès lors m’avançant, hors d'un cercle ; j'arpente le second - au profond, une fois ou deux je vois alors la même profondeur. Et je ne sais si je peux être encore éclairé. Que ceux qui sont du coté ; c'est ainsi que je le vois, savent bien où se placer comparativement - a d'autre, mais aussi à l'histoire. Oh, c'est impossible - et il doit y avoir là-dedans une chose que je ne sais pas voir - que je ne peux pas voir ou bien un grand mensonge. Et j'ai toujours tendance à croire plus que moi que les gens ont des raisons sûrs - j'ai tant, moi - si peu de certitudes que lorsqu'il m'arrive d'en trouver, oh, je suis le plus certains de ma certitude. Et là, à ce seul moment j'invoque toute l'organisation de l'histoire, tout le spectre convulsif et que j'agite dans un sens et que l'on reconnaîtra - quand, je vois - en revanche, et j'en suis plein de découragement, que l'on aime Manet tant que ça pour des raisons qui ne me semble pas inintelligibles mais inhumaines - ne pouvant tenir un peu plus d'un mois sur un homme ; alors je me dis que l'homme est une bête, que le mot que le prétendu mot est un affreux. [un temps.] Non, je me suis laissé à dire ; c'est trop peu pour une idée. Je voudrai de tout cœur et si l'on me l’échangeait ; [reprise.] ah, je reviens vers le dire - je me tiens éloigné, je me fais mon feu - j'allume une torche et je fuis comme une bête mon brasier. On me dirait sur tous les fronts du monde, vous êtes Français, pourtant ne seriez-vous pas Irlandais ? Chilien ? Serbe ? Corse ? Afghans ? Chinois ? Je répondrai je parle la pensée. Croyez-bien qu'on ne me dénommera jamais par ma langue auxiliaire - on me traduirait aisément seulement si l'on a pensée ; [respiration.] il suffirait que les hommes pensent une bonne fois pour toute pour qu'ils connaissent également l'Anglais et l'Allemand. Mais personne n'a encore jamais penser à ce point - et tous semble-t-il sont attachés à une langue, qui véritablement est un enclos tout seul à faire fleurir des troncs gênés d'académicien et qui survivront à la postérité mille ans après que la postérité se soit éteinte. Pas encore, là - je reviens à l'époque et encore ; je justifie que j'y reviens croyant réellement de sa présence ; une nausée saine. J'aime les hommes plus fortement aux œuvres - mais je n'aime que les hommes d’œuvres et ma famille. Ceux qui n’œuvre pas ne veulent pas parler, ne veulent pas penser - ne parleront plus et ne penseront plus. Ils iront à la mort dans un monde que l'on ne connait pas au Pentateuque - qui est le monde des muets. Qui auront perdu la langue et la pensée. Au contraire - les autres, et parmi eux des plus idiots - et non tous ! non tous ! heureusement qui ont écrit - iront au monde de la pensée et des lors ils parleront soudainement penseur, après pensée. Je nie beaucoup de choses ; je refuse surtout - des choses que je ne dis pas, j'ai l'impossibilité - impossible, la vraie - pas celle du pouvoir qui n'est qu'indisponible - je ne peux pas, et je ne pourrai pas dire ce que je refuse ; la plupart du temps, j'ai la vue absente et dans des miracles de luminosité et d’œillade de rayon jaunis ; j’aperçois, trouble, à la longue-vue et manquant de lunette - j'ai la vue clarifiée - mais elle est impossiblement claire car on me l'a clarifie ! Non, c'est un mensonge - un de plus. Je connais au fond de mon front - les parcelles identiques ou le presque Roussiste de la lucidité ; j'étais un enfant aussi et j'ai eu l'obligeance moi aussi de bien vouloir naître - ah, je parle toujours de la naissance quand je n'ai rien à dire ; est-elle si importante pour moi que la quantité de fois où j'en dis des choses - ça je ne crois pas - c'est encore, Artaud, l'obliqué vers la naissance et qui me force du doigt du mot - à plier le verrou intendant entre moi et l'inconnu de moi, mais non pas l’imprévisible - mais une grande et fière friche de néant, et d'y trouver une parole à médire. Je crois, j’attendris le passage - j'ai délaisser ma pensée une seconde, j'ai voulu me rattraper - j'apercevais ma chute proximite ; sans fondre tout à fait l'os des nerfs, je suis remonté audible - et je ne trouve rien qui modifierait un état présent et qui recherche sans trouver la solde de son forfait. J'étudie, je lis et j'écris sans aucune répartie - j'aurai pensé exactement la même chose si sans avoir lu pour trouver des mots ; j'aurai pu ou l'on me donna la clef du vocabulaire totale ; penser et sous d'irréversible témoins, les mêmes pensées et les dires. Une lecture n'est qu'une orfèvrerie et adjacente encore - à une bague d'or moelleuse qu'on porterait un matin au deuil révolu d'un père ; pensant aux fiançailles du lendemain. Dieu est un problème, oui et le plus grand - qu’il ne peut pas me concerner ; et de plus loin il ne me semble pas concerner les hommes. C'est une phrase comme cela - mis ici pour attendre qu'elle soit germée, pour ouvrir finalement le creux du cou et s’immiscer au neurone ; paralysant le cortex et enfin sortir du réel ; trop gouteux et même de l'idée de Dieu, de la mort et d'autres questions, idées avec lesquelles on ne devraient pas rigoler. Je retombe dans l'idiotie - et je me délasse à l'autre bout sobre de la tête accompagnant opiniâtre tout subtil du chef - des merveilles sur merveilles d'articles pour des litières pour chien et qui ne sont pas très objective ou bien très marchande et très objective sur la vente. Sur les choses auxquelles le goût est impossible chez moi : mon esprit tient la place préoccupante et qui est au contraire du sportif préoccupé, la première place. Mais, jamais, Adieu, jamais ! mais il ne faut pas trop me prendre pour ma pensée ! [il sort]
[nemossos lisant un journal. long temps, de lecture vraie.]
NEMOSSOS. Une jeune radicalisée de dix-huit ans, interpellée mercredi, a été mise en examen et écrouée aujourd'hui, soupçonnée de s'être livrée à du prosélytisme violent sur internet, selon une source judiciaire. Voilà la conséquence de ce dont nous parlions. Je vous expliquerai un jour comment se fait le terrorisme islamique, à quel signal symbolique il obéit, à quelle règle du jeu. J'ai compris cela depuis juin environ. Je sais exactement quand les attentats vont avoir lieu maintenant - j'avais su Orlando dans l'après-midi, juste avant ; j'avais su Nice, deux heures avant ; j'avais pressenti le prêtre rouennais, aussi. Il y avait toujours un indice. Quand le fanatisme des ex-Occidentaux va trop loin, qu'il dépasse les bornes, qu'il déborde un peu plus - on sait qu'alors il va y avoir une vengeance, une réversion. Le terrorisme a quelque chose de mécanique, d'automatique.
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