Branle-bas sur vos vies
- Venehon
- 6 mars
- 8 min de lecture
Voilà la guerre. Demain vous serez mobilisés, vous aurez ordre de suivre le chemin, de laissez bas votre vie, de ne plus tenir vos engagement sinon qu’à la nation fumeuse. Si vous êtes un peu retardataire ce seront ces messieurs gendarme de la jaquette, qui viendront fleur au fusil – vous cueillir jusque chez votre maman pendant qu’elle boira sa ricorée. Si vous avez le cran de ne pas obéir sur le pouce, on vous fera froncez avec de la matraque ; on vous allégera un peu votre conscience.
Bientôt, vous serez aux campements, on vous apprendra à vous saisir d’une arme, à la recharger – mais sans vous apprendre à tirer il faut dire, les munitions coûtent chère, on en produit peu. Puis on ne tient pas forcément à ce que vous soyez quelque-part autre-chose qu’une chiffe seulement capable de tenir un front le temps d’une opération spéciale. Vous serez disons formé à Châteauroux, puis envoyé à Kiev où monsieur Zelensky vous saluera, il vous serrera la main avec ce regard qu’on donne aux gens très-franc, très-honnête – il sera propre mon ami, que tu te sois engagé, tu seras bien irréprochable. Il te remerciera dans son treillis, s’il était un peu Pape de nature il t’aurait forcément baiser les pieds.
Enfin, deux-trois jours après que tu sois venu, voilà, tu seras sur le terrain – les formateurs à la française ou à l’américaine te feront un petit-topo de la situation de l’Ouest, les russes n’auront pas encore passé le Dniepr, qu’elle sera donc ta première affection ? Tes formateurs riront beaucoup, ils t’apprendront à poser quelques mines sans pourtant les enclencher «ça faudra apprendre par vous-même sur le terrain ahah, enfin c’est pas aussi difficile que de fermer les nouveaux bouchons de coca, vous verrez ça ira bien ».
Te voilà donc au premier jour de ta gloire, mon chère ami, mon chère enfant, ton âge importe peu – tu rejoins ton régiment de tenu, on te donne à un co-listier, car chaque guerre vois-tu, on te l’a dit, est avant tout une éléction pour l’éternité. Ton ami s’appelle Mathis, c’est un vaurien comme toi – il fait de petits boulots à la manque, et maintenant on le somme à la guerre comme à ses heures perdues.
Au matin du troisième mois on vous laisse à vos attributions, vous prenez un peu un renfort de ses rations si profuses des Français mais tu te contenteras d’une biscotte-framboise pour te rappeler les vieux airs du pays, tu seras dèja nostalgique.
C’est une mission qui requiert de l’abnégation, Mathis et toi on vous dépose tout auprès du Dniepr, avec pour objectif de poser des mines sur les rebords – on a vu des éclaireurs russes qui cherchaient à passer.
Voilà l’heure, tu y vas le premier, Mathis est plus jeune et blond, on lui a rasait les cheveux comme l’on fait aux enfants qui ont des pous - il doit avoir dix-huit ans tout juste, des yeux qui tirent sur l’ambre, un nez presque d’enfant solitaire : il a peur et toi tu l’aimes déjà trop pour le faire concourrir.
Tu descends donc scrupuleusement, tu vois au loin des lieutenants qui cherchent un mouvements sur l’horizon. Mathis te rejoins non sans trébucher un peu avec ces grosses bottines dans lequel il est si mal tenu, tu lui tends la main, il se tient à toi, te remercie, tu sais bien que ce n’est pas un lieu pour les gentils.
Tu vas au plus près de l’eau, tu sors de ton sac cette mine arrière, tu sors ta chiquenaude, tu l’as place, tu regardes ailleurs, tu vois Mathis auprès de l’eau pendant que tu t’occupe, il a ce bâton dans les mains, il touille l’eau. Autour du bâton l’eau palpite, comme le cul d’une femme et sa graisse. Même l’eau est salace ici de ses milliards d’émissions voleuses, ces décharges de munitions qui l’empuantissent. Tu vois Mathis et son bateau, avec un peu plus de temps il finirait par faire des clapotis, ou jeter des galets.Tu trouves cela aimable et tu sais que c’est un pauvre enfant. Ce n’est encore une fois pas une place pour les gentils.
Alors tu t’appliques sur ta mine, il faut l’amorcer, un-deux-trois, c’est délicat, l’air est plus dense, tu transpires, un-deux-trois, tu tires la bobinette et la chevillette – une détonation, c’est fini, t’as mal fait un truc, tu vas te faire crever Mathis et toi, pourquoi t’as t’on donné ce boulot au juste, toi si malhabile, qui n’a jamais su lasser tes chaussures sinon qu’à la manière des gauchers – elle va exploser cette mine c’est une question de seconde, et tu n’auras pas fait un jour sur le front, idiot – tu es un résidu de merde, pauvre Mathis, pardonne-moi.
Mais une autre détonation – le lieutenant crie, retraite, retraite, retirez-vous ; tout à coup les feux couvent des deux-cotés, le Dniepr est en prises aux amants militaires. Mathis ! Tu te retournes, le bâton est sur la rive, tu vois Mathis sur l’eau qui nage, enfin, Mathis est toujours aussi gentil, c’est l’eau qui fait des rondes, c’est l’eau qui sourit comme des vagues surnuméraires : eh Mathis. Tu vois que l’eau fait sa timide, elle n’accepte pas bien que Mathis l’a saisisse ainsi, comme par les hanches. L’eau se met à rougir. Puis tu vois le trou dans le crâne à Mathis. C’est un beau-calibre cela dit, cela lui va au teint.
Tu recules un peu démuni et tu t’exploses sur ta mine, espèce de con – tu l’avais bien enclenchée.
Fissa donc, on te retrouve à l’infirmerie adjacente – tu n’as plus ta jambe gauche. C’est bien. Tu retournes en France très-bientôt. Le médecin te fait des sourires, il en a des souvent comme toi – qui se sont bien battu, ces chanceux, mais peu de temps pour le salut de la Patrie. Ils seront décorés, tu verras, ces fières combattants – ces soldats ! D’avoir donner de leur personne. Ah la la mon vieux, te fait-il ! Te voila pensionnaire maintenant, tu vas couler une vie paisible assis sur ta chaise à boire tes mojito ; boisson pour les femmes tu penses ! À la retraite à trente ans, c’est pas d’ailleurs ce que t’as jamais voulu ? Vivre la vie d’un homme si reposé, comme celles des lions – pouvoir suivre la calotte des montagnes de ton jardin, c’est beau, c’est beau, quel vie.
On te remballe donc, c’est à peine si l’on prends la peine d’attifer le colis – tu attaches ta ceinture, c’est à Chateauroux que tu retrouveras la France comme tu l’avais connu trois mois auparavant, c’est peu dire si tu as hâtes – tu penses néanmoins au gentil Mathis qui l’a reverra plus, lui, la France, pour avoir été si innocent.
On préfère en tout point les ratés dans ton genres, les ratés magnifiques – les blessés de guerre, les éclopés, c’est un peu comme le symptôme des héros – oh comme tu seras fameux dans ton petit-costume trois-pièce, taillée menue par des associations femelles pour l’aide aux bléssés-de-guerre.
Te voilà revenu, on te fait descendre dans ton cageot de fauteuil-roulant, tu le fais rouler. Ça y’est tu es chez toi. L’air est quand même assez printanier.
On te renvoie à la maison avec un billet sncf, passe-droit – ah les vieilles Alpes, tu tiens à un ou deux jours devant ton miroir, ton lit est comme un essor, tu t’y complais. Puis, voilà, tu commences à t’ennuyer ferme – maintenant que tu n’entrevois plus les champs d’honneur, disons, que les réseaux-sociaux sont si mutiques, que tu as raté tout bonnement la grâce du soldat ; imposteur tu le sais bien, malgré les félicitation du ministre des armées qui avait opiner du chef sur ton passage à Châteauroux, sur un tapis moleskine en vert-d’eau.
Il faut te rendre à l’évidence, la vie reprend son cours, oui, mais pas aussi souriante que l’eau du Dniepr, tu te mets à regretter ta carrière avorté, Mathis dont personne jamais ne se souviendra. Que n’ai-je pas secouru au moins le nez de Mathis, j’aurais pu l’étendre ici sur mes portes-clés, comme des hand-spinner, luttons contre le stress. Je l’aurais embrasser longuement, comme un fétiche – ami Mathis, tu es mort et je vis, c’est injuste que l’on fasse aux gentils ce que l’on devrait faire aux insensibles dans mon genre.
Allez, allez, sortons.. Et tu te cherches une partie de plaisir, pour l’occasion tu sors les béquilles de ta grand-mère ; une jeune fille aux alentours de vingt ans, tu l’arrêtes – tu lui demandes où tu pourras boire quelque-chose ; elle est aimable, elle te dit que ce soir elle fait une petite soirée chez elle, que tu pourras venir.
Elle s’appelle Mélisse, c’est joli ça, c’est un peu comme Mathis.
Tu rentres, tu te formalises, tu t’apprêtes, c’est à peine si tu te crois obligé de porter le papillon, non tout de même pas ses extrémités – mais tu te peignes comme si peu souvent de ta vie, tu te rases appoint, et tout le pourtour du guillery, sans l’oublier. C’est beau d’avoir un grand phallus, tu es heureux à le tenir en main – tu penses au trou dans le visage de Mathis. Tu es con.
Ah le soir vient, tu vas niquer, tu le sais – après-tout tu es un soldat ; tu en as la marque, d’abord la jambe qui n’est plus trop présente ; aussi les traits de ton visage, tu fais plus vieux, ça plaît aux filles.
Tu sonnes à l’allée – ouf, tu es sauf; un ascenseur, tu avais même pas pensé à l’éventualité…
Mais putain il marche pas ! C’est pas possible d’avoir une telle guigne.
Alors tu appelles Mélisse, tu lui expliques en rigolant que tu vas mettre un peu de temps à monter par les escaliers ; elles rigolent au bout du fil de ta déconvenue.
Tu commences à monter puis tu entends des gloussements si gracieux de filles, elles descendent ; elle rient en te voyant monter les marches le mieux que tu puisses.
C’est la jolie Mélisse et sa petit sœur, treize-quatorze ans, elle est mignonne. Elle te prennent tout les deux un coin d’épaule et voilà que tu montes Dieu, aux bras de si jolies filles – c’en est très drôle. Tu es heureux.
Elle te dépose sur le pas de la porte : la petite a laissé les clés de l’appartement sur ton fauteuil tout en bas ; et bien-sûr personne n’entends dans la soirée ! La musique est trop forte.
Elle remonte avec les clés, et si gentiment, avec ton fauteuil ! Elles ouvrent et comment vous dire ! Tu es convié comme comme le prince, on pousse ton fauteuil par l’entrebâillement, tu es comme César au Triomphe ! Mélisse t’embrasse sur la joue, et la sœur l’imite – c’est donc que tu plais.
Elles t’avancent et elles t’entreposent dans le salon l’appartement, comme une statue, juste au milieu pour que tu sois le clou du spectacle, ça ne te déplaît pas – attend, attend qu’elles disent ! Elles vont chercher tout leur amies. Mon Dieu si cela fini comme ça doit se finir, tu te verras bientôt décalotter comme on l’a jamais fait de ta vie – s’endimancher avec une bonne dizaine de fifille en manque de tendresse ; ce serait beau. T’es si con, tu souris si bêtement que tu fermes les yeux comme pour te faire une surprise : tu les imagines si propres sur elles – ces femmes épargnés de la guerre, elles doivent être encore si douces, si fines ; si jolies. Elles reviennent.
Tu sens que le salon est plein d’une présence, d’une odeur – mais pourquoi tu fermes les yeux, elles rigolent ; pour rien - pour rien tu réponds : elles mettent de la musique, ça y’est ça danse sur La Grenade ; comme le sort est ironique, c’est doux.
L’une d’elle vient t’embrasser sur la bouche comme pour réveiller la princesse. Tu consens à ouvrir les yeux, et tu vois les lumières froides-chaudes, les élancements, les filles… mais tu vois aussi les hommes ?
Tu entends la petite-sœur de Mélisse de l’autre-côté de la pièce : « eh boubacar, tu viens m’enculer dans la chambre à papa ? » et tout le monde rit, boubacar ne boude pas son plaisir cela dit. Il s’y rend.
Tout le monde rit, tu le vois ce monde – les filles sont jeunes, entre dix et vingt-cinq ans. Les hommes sont plus âgés, tu croiras la trentaine et ils sont noirs, ils sont tous noirs – pendant que Mathis va crever au fond, ce gentil, les africains viennent à loisir pour niquer tes filles, tes femmes, tes enfants – pour jouir, et tu meurs sans joie, enculé, cocu par tout l’univers, c’est tout. Tu entends la sœur de Mélisse s’exclamer dans la pièce à côté, le lit rebondit comme un tam-tam - « la grosse bite, la grosse bite ! »
Voilà, voilà la guerre.
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